Tunisie, Egypte, Maroc...: l'Union européenne a établi mercredi une liste de pays d'immigration dits "sûrs", limitant de fait les possibilités d'asile pour leurs ressortissants, une décision saluée par Rome mais vivement critiquée par les défenseurs de migrants.
Bruxelles est sous pression pour durcir sa politique migratoire, face à la poussée de la droite et de l'extrême droite à travers le continent.
Après de premières mesures mi-mars, la Commission a dévoilé en début d'après-midi une liste de sept pays qu'elle considère comme "sûrs", ce qui signifie que leurs ressortissants n'ont a priori pas le profil de réfugiés.
L'idée de cette liste, qui comprend le Kosovo, le Bangladesh, la Colombie, l'Egypte, l'Inde, le Maroc et la Tunisie, est donc d'accélérer le traitement de leurs demandes d'asile et de hâter éventuellement leur rapatriement.
A cela s'ajoutent les pays candidats à une adhésion à l'UE, dont la Commission considère qu'ils remplissent, pour la plupart, "les critères pour être désignés comme pays d'origine sûrs".
- Liste "dynamique" -
Plusieurs Etats appliquent déjà ce concept à l'échelle nationale.
La France, par exemple, a une liste d'une dizaine de pays qu'elle considère comme sûrs, qui inclut la Mongolie, la Serbie ou le Cap-Vert. Tout comme la Belgique ou l'Allemagne.
Mais il n'existe pas encore de liste commune et harmonisée à l'échelle européenne. Ce qui encourage les demandeurs d'asile à viser le pays d'accueil avec les critères les plus flexibles, selon certains responsables.
La liste dévoilée mercredi est "dynamique", et peut-être élargie ou restreinte en fonction de l'évolution des droits humains dans les pays qui y figurent, a précisé la Commission.
Comment celle-ci a-t-elle été constituée?
Dans sa proposition d'une quarantaine de pages, la Commission évoque le cas de chaque pays, point par point. Et notamment celui de la Tunisie, accusée par l'ONU de "persécuter" ses opposants.
L'exécutif européen note bien que des personnalités politiques, des militants, journalistes et avocats y ont arrêtés ou détenus.
Mais "les actes de répression n'atteignent pas un niveau qui permettrait de parler d'une situation de répression systématique à grande échelle", estime-t-elle.
Une justification vivement critiqué par certaines ONG.
"Il s'agit d'une violation flagrante d'un droit humain fondamental, le droit d'asile", a dénoncé Romdhane Ben Amor, du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) à l'AFP.
- "Succès italien" -
La Commission balaie cette argument, assurant que "les garanties offertes aux demandeurs d'asile", resteront bien en place.
Pour entrer en vigueur, cette proposition devra être approuvée par le Parlement européen et les Etats membres. Elle s'appliquerait alors à tous les pays de l'UE.
Mais le sujet est hautement sensible sur le plan politique et risque de provoquer des désaccords parmi les Vingt-Sept.
Le dossier était notamment poussé par Rome, qui a salué mercredi "un succès du gouvernement italien". La France est elle plutôt restée en retrait des tractations, préférant juger la proposition de l'exécutif européen sur pièce.
La Commission avait déjà présenté une liste du même type en 2015. Mais ce projet avait finalement été abandonné, en raison de vifs débats sur l'idée d'inclure, ou non, la Turquie, avec son bilan mitigé en matière d'indépendance de la justice, de droits des minorités et de liberté de la presse.
Sous pression pour serrer la vis sur l'immigration, Bruxelles avait déjà dévoilé des mesures pour accélérer les expulsions d'étrangers en situation irrégulière mi-mars. La Commission avait notamment proposé un cadre légal à la création de centres pour migrants en dehors de ses frontières, les fameux "hubs de retour".
D.Jacobs--LCdB